Après l’entreprise libérée, le collaborateur libéré ?

Les nouvelles générations arrivent en masse dans nos entreprises, elles seront plus de 75% de la population active d’ici 2025 d’après l’INSEE.

Pour la première fois dans l’histoire, 4 générations de collaborateurs sont amenées à travailler ensemble dans nos entreprises, et même 5 dans des pays comme les USA où le système de retraite n’est pas aussi favorable que le nôtre.

millenials generation Y Z

Or, ces nouvelles générations semblent avoir un rapport avec leur(s) employeur(s) très différentes de leurs aînés. Je mets volontairement un “s” à “employeur” car c’est justement l’un des éléments différenciant de cette génération. Tandis que leurs parents et grands-parents entraient dans une entreprise et y évoluaient au fil des formations et des promotions, attachés et souvent reconnaissants envers leurs employeurs, les générations Y et Z, quant elles, ne semblent pas se projeter à long terme avec le même employeur et sont même les futurs adeptes d’un phénomène qu’on appelle le “slashing”. 

Qu’est-ce que le slashing ?

Le slashing c’est le fait de passer d’un emploi à un autre, de slasher d’un job à un autre. Ce terme désigne les personnes qui ont 2 voire quelques fois 3 jobs en même temps : par exemple être comptable la journée dans une entreprise, coach sportif le soir et le week-end. Ou être technicien dans une usine la journée et DJ ou barmain le soir.. Si le “multi-métiers” peut être parfois subi, il est de plus en plus un choix de vie, source d’épanouissement, de découverte, de progression, notamment auprès des nouvelles générations. En français, on pourrait le traduire en “multi-métiers”.

Qui sont réellement les adeptes du slashing ?

Selon une étude réalisée par l’Institut Opinionway pour Horoquartz, 9 % des travailleurs français actuels déclarent cumuler deux emplois en même temps. Mais ils seraient 29 % à envisager de le faire dans un proche avenir. 

Si les slasheurs semblent être à date majoritairement des collaborateurs à temps partiels, a priori plus liés à une nécessité, les plus jeunes semblent être de plus en plus demandeurs du multi-emplois puisque toujours selon cette étude, 39 % des moins de 30 ans souhaitent cumuler deux activités salariées, contre 30 % des 30/39 ans et seulement 22 % chez les 50/59 ans.  

« Les profils qui sont aujourd’hui les moins concernés par cette situation de slashing sont pourtant les plus demandeurs », constate Thierry Bobineau, Directeur marketing d’Horoquartz. 

Génération Z, tous freelance ?

La génération Z, à savoir celle née après 1997, confirme cette tendance. C’est ce que révèlent les résultats d’une autre enquête réalisée par OpinionWay pour le compte de Mazars, auprès de 1000 jeunes âgés de 15 à 24 ans :

  • La Gen Z reste attachée au travail à temps plein (80%) et au CDI (79%) mais l’écart se creuse par rapport à la Gen Y (-7 points à 86%)
  • La moitié des jeunes de la Gen Z interrogés estime que le CDI a vocation à disparaître au profit du CDD et du travail en freelance
  • Un tiers d’entre eux souhaitent même cumuler 3 emplois voire plus en tant que freelance et un quart l’envisage sous la forme du statut d’auto-entrepreneur. 

S’il existe donc bien une tendance vers plus d’entrepreneuriat, la génération Z semble, pour le moment, encore attachée à une certaine sécurité de l’emploi, tout en affichant des exigences importantes vers plus de flexibilité dans l’organisation du travail : cumul de plusieurs activités, flexibilité des horaires, possibilité de travailler à temps partiel, télétravail, expériences de « vis ma vie », lancement d’initiatives innovantes au sein de leur propre entreprise, etc.

Certaines entreprises ont bien compris que répondre à ces attentes était un très bon moyen, d’une part de renforcer l’engagement et la fidélisation des collaborateurs et, d’autre part, de se démarquer des concurrents en terme d’attractivité des talents. Le nombre d’entreprises « intrapreneuses » a ainsi été multipliées par 4 en 4 ans :

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Dans la même lignée, des entreprises comme Leroy Merlin ont par exemple instauré “la journée de développement” qui permet à l’ensemble des collaborateurs de sortir de l’entreprise pour découvrir d’autres activités, des concurrents, des institutions, des nouvelles  technologies, etc. . Rémunérées et défrayées jusqu’à un certain montant, ces journées font ensuite l’objet d’un partage sur une application dédiée à cet effet afin que toute l’entreprise puisse en bénéficier. La culture du benchmark s’étend dans l’entreprise et l’intelligence collective s’en trouve nourrie.

Selon une étude du Cabinet Deloitte (2017), 37% des entreprises françaises auraient initié une démarche d’intrapreneuriat et 12% des salariés auraient déjà tenté l’expérience. Et parmi eux, 90 % sont prêts à recommencer, preuve que l’aventure leur a été bénéfique puisqu’ils sont 66 % à indiquer que leurs projets ont abouti sur de véritables réalisations ! L’étude révèle également que 74% des salariés interrogés sont prêts à se lancer dans l’intrapreneuriat.

Mais d’autres entreprises vont encore plus loin et s’orientent vers un système plus hybride, sur le modèle des « side-projects », à savoir la réalisation d’un projet créatif qui n’a rien à voir avec votre boulot principal.

Vers un système hybride ?

Si le télétravail et la flexibilité du temps de travail ont nettement évolué ces dernières années, les entreprises “traditionnelles” sont beaucoup moins habituées à certaines pratiques comme le multi-emplois ou le side-projects.

Le cadre légal du travail ne s’y prête d’ailleurs pas naturellement. Entre durée légale du travail, clause de “non concurrence”, interdiction de “double-emploi”, craintes de voir partir le collaborateur, etc., il faut une certaine dose de confiance en ses équipes pour ouvrir le champ du “multi-emploi” à ses salariés.

En cela je trouve intéressante l’initiative de Tilkee. Leur parti pris ? Offrir aux collaborateurs la possibilité de travailler pour d’autres employeurs dans le cadre de missions courtes, ou de disposer de suffisamment de temps pour s’adonner à leurs passions, pour, au final, faire gagner l’entreprise”(1)

Que peut-on attendre de ce type de fonctionnement “hybride” ? 

  1. Le fait de sécuriser le collaborateur par un contrat de travail salarié lui permet d’être plus libre et plus serein dans sa démarche entrepreneuriale 
  2. La confiance et la flexibilité offerte au collaborateur lui permettent de trouver un équilibre entre vie pro et vie perso, entre salariat et entrepreneuriat, et peuvent renforcer son engagement et sa fidélité en l’entreprise : moins de turnover
  3. Une montée en compétences et son partage au sein de l’entreprise principale, alimentant ainsi l’intelligence collective et les initiatives innovantes
  4. L’expérience collaborateur positive alimente la marque employeur de l’entreprise et aide à son attractivité auprès des nouveaux talents  

“De fait, plutôt que d’interdire aux collaborateurs d’avoir une deuxième activité, nous avons préféré ouvrir la porte, persuadés que ce serait une source de motivation et de fidélisation pour nos équipes. Car si on les empêche de construire leur vie au sein de l’entreprise, nombreux seront ceux qui iront la construire ailleurs.(1) – Sylvain Tillon, CEO et co-fondateur de Tilkee

Confiance et éthique, les clés de la réussite

Bien sûr, il ne s’agit pas non plus pour l’entreprise qui met en place ces nouvelles pratiques d’encourager le multi-emplois mais bien de donner les moyens aux collaborateurs qui le souhaitent de s’épanouir en réalisant leurs projets, tout en apportant à l’entreprise une valeur ajoutée, qu’elle soit en terme d’engagement que d’apport de nouvelles compétences.

Basée sur la confiance qui lie les deux parties, ce type de démarche aura malgré tout le maximum de chances de réussir dans un cadre règlementaire et éthique restant à construire.

(1) https://www.maddyness.com/2019/10/23/tilkee-maddyrex-freelance-collaborateurs/

L’impression 3D, quels impacts sur les Ressources Humaines ?

Définition

L’impression 3D est une technique de fabrication dite additive qui procède par ajout de matière, contrairement aux techniques procédant par retrait de matière comme l’usinage. L’impression 3D permet de réaliser des objets usuels, des pièces détachées ou encore des prototypes destinés aux essais. Le point de départ est un fichier informatique représentant l’objet en trois dimensions, décomposé en tranches. Ces informations sont envoyées à une imprimante 3D qui va réaliser la fabrication par ajout de couches successives.

Les usages

Les perspectives d’usage sont énormes car non seulement l’impression 3D va permettre aux entreprises de produire elles-mêmes, en temps réel, leurs propres produits en fonction de la demande réelle des clients, mais elle est en passe de révolutionner certains pans de métiers, comme la maintenance industrielle par exemple. Les entreprises peuvent désormais fabriquer leurs pièces de rechange elles-mêmes, selon les besoins et réduire considérablement les stocks.

Le bureau d’étude conçoit les pièces, crée les fichiers 3D et les transmet à un agent de maintenance qui pourra les fabriquer et les mettre en place. Cet agent doit donc acquérir de nouvelles compétences liées à la compréhension des fichiers 3D et à la fabrication même des pièces.

Le Hype Cycle de Gartner

Le Hype Cycle du Gartner est une courbe d’interprétation de la maturité, de l’adoption, des promesses et des opportunités des technologies émergentes et de la façon dont elles évoluent au fil du temps.

La version ci-dessous montre l’évolution de la technologie d’impression 3D en juillet 2018 dans différentes secteurs d’activités.

Hype cycle Gartner Juillet 2018 – 3D Print

Le marché de l’impression 3D

Le marché de l’impression 3D est d’ailleurs en plein boom et les besoins en ressources vont suivre cette tendance dans les mois et années qui viennent. Les entreprises doivent donc le prendre en compte dans la gestion prévisionnelle de leurs compétences, en particulier dans le domaine industriel.

Dans son rapport de janvier 2019, le Cabinet américain International Data Corporation (IDC), prévoit 13,9 milliards de dollars de dépenses en impression 3D en 2019, soit une progression de 21 % par rapport à 2018.  Cette croissance est avant tout portée par les industriels, dont les dépenses représenteront  95 % du marché. Ils seront à l’origine de plus de la moitié des dépenses durant la période 2018-2022. 

D’ici à 2022, IDC prévoit un taux de croissance annuel moyen de 19 %. La fabrication de pièces et de prototypes  pour l’industrie reste l’application la plus répandue pour la fabrication additive. Mais c’est la bio-impression de tissus, d’organes et d’os qui devrait connaître la plus forte progression, avec un taux annuel moyen de 49,9 % jusqu’en 2022.

L’impression 3D offre également des possibilités incroyables aux PME/PMI de par son accessibilité en termes d’investissement (de 1 000 € à plusieurs dizaines de milliers d’euros selon le modèle et la capacité) et leur offre une formidable opportunité de démarrer des activités de production à petite échelle, à moindre coût et sans faire trop de gaspillage de matières premières. 

Les particuliers aussi !

Les entreprises ne sont pas les seules à s’intéresser à l’impression 3D. Les particuliers, eux aussi, ont un éventail d’usages infini dont l’ampleur grandira au fur et à mesure de la démocratisation de cette technologie et de ses usages.

En attendant, il est déjà possible de faire imprimer un objet 3D en « one shot », très souvent en moins de 48 heures, grâce à des plateformes communautaires à l’instar de Freelabster :

Ou de vous rendre dans des « Fablabs » , ces espaces sociaux dédiés au « faire soi-même », souvent animés par des bricoleurs ou des passionnées de technologies numériques, comme « La fabrique d’objets libres » à Lyon par exemple :

Quels impacts sur les RH ?

Avec l’utilisation de l’impression 3D, s’ouvre un immense champ d’applications, de l’aéronautique à la mode, de l’alimentaire à la santé, en passant par l’architecture ce qui va inévitablement entraîner des bouleversements dans le monde du travail. De nouveaux profils de techniciens et de designers se dessinent et les RH vont devoir faire évoluer les compétences de tout un pans de collaborateurs.

Les besoins de compétences en fabrication additive progressent

D’après l’APEC, le volume d’offres d’emploi publiées demandant des compétences en fabrication additive a progressé de 75 % entre 2015 et 2016. Les enjeux sont importants dans l’industrie en matière de personnalisation, d’innovation produits ou de rapidité de fabrication . Aussi, un tissu d’entreprises spécialisées se développe : fabrication de machines, développement de procédés, conception 3D… Elles recherchent des compétences très techniques en industrialisation, informatique, R&D ou maintenance. En parallèle, un nombre croissant d’entreprises dans différents secteurs industriels (aéronautique, équipement médical, plasturgie…) cherchent à monter en compétences sur la fabrication additive, pour évaluer son intérêt et tester son utilisation. Ces entreprises recherchent essentiellement des ingénieurs R&D (matériaux, conception, procédés…).

Les professionnels de l’impression 3D en France

Source http://www.i-AMdigital.com

Les compétences manquent…

La plateforme emploi Joblift *a étudié les offres d’emploi liées aux imprimantes 3D et à la fabrication additive entre 2016 et 2017 et a observé un marché en forte croissance ayant plus que doublé. Le marché de l’emploi de la fabrication additive est principalement mené par les secteurs de l’industrie (+ 15%), des télécommunications (+ 37%) ou encore des services aux particuliers (+ 13%). Par ailleurs, l’étude révèle que, malgré une croissance importante, les postes pour professionnels en fabrication additive sont encore difficiles à pourvoir, puisque ces offres sont en moyenne 10% plus longues à pourvoir qu les autres offres de ces secteurs;

Si lors du Mind Meld 2018*, un sommet très fermé sur la fabrication additive industrielle, les industriels présents ont montré un véritable enthousiasme sur les opportunités de la fabrication additive, nombre d’entre eux ont également fait part de leur inquiétude quant à l’absence de l’impression 3D dans les cursus de formation des ingénieurs.

L’industrie manque donc de compétences avec un surprenant constat : les jeunes générations nées avec le numérique pensent numérique, mais pas industrie ! L’impression 3D, pour se développer dans l’industrie, doit dépasser ses limites et séduire les concepteurs de demain. Ce qui va imposer une contrainte forte : consacrer une part des investissements évoqués précédemment à la formation.

*Sources 
https://itsocial.fr/innovation/imprimante-3d/fabrication-additive-impression-3d-atteint-maturite-industrielle/  

https://joblift.fr/Presse/impression-3d-deux-fois-plus-doffres-demploi-en-2017-mais-des-postes-toujours-difficiles-pourvoir 

https://www.futura-sciences.com/tech/definitions/imprimante-3d-impression-3d-15137/