Vite vite, cet article s’autodétruira dans quelques minutes….. Le digital a totalement changé notre rapport au temps, créant une exigence de rapidité à tous les niveaux : vitesse des réseaux Internet, messages furtifs à durée de vie limitée, attente de réponses immédiates des clients de la part des Marques, … mais permet aussi dans le même temps d’avoir des échanges asynchrones qui tendent vers une plus grande disponibilité des acteurs, quelque soit le lieu où ils se trouvent. Comment gérer ce rapport avec le temps que le digital a bouleversé ?
Les technologies et le temps
Le temps d’appropriation des technologies s’est considérablement accéléré. Alors qu’il a fallu 62 ans à l’automobile pour atteindre les 50 millions d’utilisateurs, il n’en a fallu que 3 à Facebook et même seulement 19 jours au jeu Pokemon Go pour atteindre ce seuil il y a 4 étés !

Il serait intéressant de connaître la durée de vie de chacun(e) de ces technologies/produits pour voir s’il existe quelque corrélation entre leur rapidité d’appropriation et leur durée de vie.
Quant à ce qui se passe sur Internet en 1 minute, l’écart sur seulement 4 ans (2019 vs 2016) est hallucinant sur certaines plateformes numériques : +900 % d’heures visionnées sur Netflix, + 62 % de vidéos vues sur Youtube, +58 % de recherches sur Google, ..


Avec la multiplication des technologies et des plateformes numériques, Les français sont de plus en plus connectés puisqu’en janvier 2019, 92 % d’entre eux utilisaient Internet (500 000 nouveaux internautes ont été comptabilisés en 2017) [1]. Côté réseaux sociaux, près de 60% des Français les utilisent chaque mois, c’est 2 millions de plus que l’année précédente. Ils y passent en moyenne plus d’une heure par jour, pour un total de 4h48 sur le web au quotidien. L’utilisation est quotidienne dans 91% des cas.

Les français passent en moyenne, en janvier 2019 1h17 sur les réseaux sociaux chaque jour.
La guerre de l’attention
Avec la multiplication des sources d’information et notamment l’avènement des réseaux sociaux, les Marques sont entrées dans une guerre de l’attention. Bien sûr, ce n’est pas nouveau, et cette question de la captation de notre attention s’est posée à chaque arrivée de nouveau média : télévision, radio, flux RSS… Mais avec les plateformes numériques, le “marché attentionnel” s’est considérablement développé”, analyse Mariam Chammat, cofondatrice du think tank Chiasma. Le business model d’entreprises comme Google ou Facebook repose en effet sur le temps que nous passons sur leurs médias. “Et dans cette guerre des acteurs, le vainqueur sera celui qui sera parvenu à capturer notre attention le plus longtemps possible”, assène Mariam Chammat. Résultat : tout nous appelle, tout le temps !
Les marques doivent non seulement capter notre attention dans un contexte grandissant d’infobésité mais elle doivent également répondre à l’exigence, de plus en plus forte, des clients, qui, notamment avec la multiplication des points de contacts s’attendent, voire exigent, des temps de réponse des marques de plus en plus courts. Parmi ces points de contact, les réseaux sociaux et les messageries instantanées ont pris beaucoup de place et d’ampleur, obligeant les marques à se structurer pour répondre rapidement et efficacement à leurs clients qui espèrent voir leurs demandes prises en compte, de façon immédiate, fluide et sur-mesure.
D’après un article du journal du CM de février 2018 [2] , la réactivité sur les réseaux sociaux est même l’une des 6 règles pour une marque du retail pour émerger sur les réseaux sociaux. La France est d’ailleurs très en retard sur ce sujet puisque s’il est de 56 minutes outre-atlantique, il culmine à 2H30 pour la France.
Pour comparaison, toujours selon le Journal du CM, les 3 acteurs du retail en France les plus réactifs sont :
- Amazon : Temps moyen de réponse : 24 minutes
- Conforama : Temps moyen de réponse : 31 minutes
- CDiscount : Temps moyen de réponse : 54 minutes
Et ces temps de réponse en ligne sont devenus des éléments de différentiation, de fierté et donc de communication pour les enseignes efficaces sur la réactivité de leur relation clients digitale. Les entreprises doivent s’organiser autour de cette exigence et parfois mettre en place des équipes 24/24, internes ou externes, pour assurer cette qualité de service désormais exigée par les clients.
Les contenus et le temps
Les contenus de marque eux aussi ont dû s’adapter à cette dictature de l’instantanéité ; les messages sont de plus en plus courts et ont une durée de vie de plus en plus limitée ; certains comme snapchat en ont même fait une véritable signature, obligeant les lecteurs à une disponibilité et à une attention de tout instant pour “ne rien louper de ce qui se passe dans leur réseau”.

Certains contenus comme les vidéos qui se développent à vitesse grand V ont dû également d’adapter au temps disponible de leur audience : le format de moins d’1 mn a explosé, répondant au lieu et temps de consommation toujours plus réduit et de plus en plus volatile.
Plus court mais aussi au bon moment ! Chaque réseau social a son créneau optimal pour tenter de capter l’attention des socionautes. Heureusement, il est également possible de programmer ses contenus sur la plupart des réseaux sociaux et de gérer son temps a minima.

Ces même réseaux sociaux captent de plus en plus l’attention [3], certains plus que d’autres et finissent par rendre accro.

Et les GAFAM l’ont bien compris ! Ils favorisent quotidiennement la satisfaction court terme de leurs clients en les interpellant sans cesse avec des systèmes de notification, des vidéos qui s’enclenchent automatiquement et qui enquillent directement sur la suivante, un news feed sans fin, des systèmes de bonifications… Lire un commentaire, compter vos « like » ou scroler sur votre mur… ne prend pas plus de quelques secondes.
Ces nouveaux rois du monde nous droguent, jour après jour, et nous rendent dépendant, en sont-ils conscients ? Y a t’il moyen d’y échapper ?
La dictature de l’instantanéité
La société d’information se transforme peu à peu en « société en temps réel ».
Nous consommons désormais l’information comme une simple banalité et ne prenons d’ailleurs rarement le temps de vérifier les sources, d’où l’explosion des fake news et de toutes les dérives y afférant. De la même manière, dès qu’une marque ou une personne est pris à parti sur les réseaux, nous prenons rarement le temps de recul nécessaire pour vérifier et analyser les événements. Il sont relayés en quelques heures dans le monde entier sans qu’il ne soit possible d’agir autrement qu’en “réaction”.
Emmanuel Walls , ancien Premier Ministre, avait dénoncé [4] lors du forum « Nouveau Monde » dans les locaux de l’OCDE, cette dictature de l’immédiateté, dénonçant le travail des chaînes tout-info et le « tout, tout de suite », dont notre époque a fait une règle d’or ».
La gestion du temps, une softskill ?
Je parlais de Digital aptit#UDE dans le 1er épisode de cette série d’articles sur la “User Digital Experience”, il en est bien une qui émerge, c’est la capacité à gérer son temps ! Le digital a peu à peu investi notre vie quotidienne, en particulier notre vie professionnelle. Nous ne recevons plus beaucoup de courrier postal, mais une (voire des) centaine(s) d’emails par jour, tous considérés tout aussi urgents par leurs auteurs alors que nous avions prévu de consacrer la matinée à avancer sur un dossier important, mais chronophage.
Les technologies nous ont donné la possibilité de faire beaucoup de choses à la fois. Trop ? La question mérite d’être posée quand on voit les cadres et managers passer successivement d’une tâche à l’autre sans prendre le temps de les terminer ou de fixer leur attention, ne serait-ce qu’une seule journée entière, sur l’une d’elle. Un phénomène directement imputable au digital, qui leur fait subir un flot continu d’informations.Toutes nos journées sont faites d’arbitrages. La gestion du temps est donc devenue une compétence clé dans ce monde digitalisé, et bonne nouvelle, elle s’apprend !
Alors comment faire du digital un allié ?
Le digital doit nous faciliter la vie : nous décharger des tâches ingrates ou répétitives pour donner plus de valeur ajoutée au temps économisé, nous fournir des outils pour optimiser notre temps et anticiper les temps perdus (l’Internet des Objets par exemple qui vous réveille avant l’heure prévue si votre train est annulé et vous permet d’arriver à l’heure à votre travail.
Collaborateurs, citoyens et consommateurs sont désormais esclaves de leur propre impatience, voire même leur fébrilité, conséquence évidente de l’inscription des nouvelles technologies au cœur de la vie de tous ; l’enjeu désormais n’est-il pas de redonner du temps au temps ?