Le digital, une réponse efficace aux coûts cachés RH ?
- Myriam Gorlier
- 19 mai 2024
- 10 min de lecture
Publication initiale : 5 janvier 2020
A l’heure où les budgets sont largement discutés et où chacun doit apporter la preuve de l’apport de ses actions à la performance de l’entreprise, il est souvent difficile pour le DRH de mesurer les impacts directs d’un recrutement ou d’un onboarding sur le chiffre d’affaires de l’entreprise. Par manque de temps, de ressources, par manque de datas aussi.
Malgré tout, de nombreux cabinets ou instituts d’études se sont penchés sur les coûts de la non-optimisation de certains processus et outils, sur les coûts “ de ne pas faire”, sur les coûts cachés aussi, ceux qui n’apparaissent pas dans les livres comptables des entreprises.
Or, quand on ne connaît pas tous les coûts réels de certaines activités, comment convaincre un COMEX de vous attribuer un budget pour optimiser des processus, recruter de nouveaux collaborateurs, optimiser l’onboarding, mettre en place une véritable “Learning Management Platform” (LMS), aménager de nouveaux espaces de travail, investir dans des outils collaboratifs ?
Dans ce nouvel article, j’ai trouvé utile de partager quelques exemples de “coûts cachés” liés aux actions RH, qui, si elles sont optimisées par les technologies digitales, sont en mesure de faire économiser énormément d’argent aux entreprises. Ces coûts sont rarement calculés et surtout ils n’apparaissent pas ou peu dans la comptabilité des entreprises. Il est temps pour les DRH de tout mesurer !
Le coût du recrutement raté
Tout d’abord, le coût du recrutement ne cesse de grimper ces dernières années ; autant dire qu’il est vital économiquement de le rendre le plus efficace possible et d’éviter les coûts du “mauvais recrutement”. La fonction RH ne peut donc plus faire l’impasse sur l’évaluation de ces coûts qui comprennent un certain nombre de coûts directs et indirects:
Préparation du recrutement : expression du besoin métier (profil du candidat, forme de contrat, etc.)
Rédaction et diffusion de l’offre sur divers supports papiers et digitaux
Analyse et tri des candidatures, vérifications multiples, réponses aux candidats
Entretiens
Choix et annonce
Contractualisation
Organisation du poste de travail (équipements, accès, etc.)
Parcours d’intégration, formations éventuelles
A cela, il faut ajouter le coût du manque à gagner du fait de la démotivation du collaborateur pendant ses quelques semaines d’intégration.
Gereso a fait l’exercice de calcul du recrutement raté et l’a publié sur son blog, que je me permets de reprendre en grande partie ici, à travers l’exemple ci-dessous :
Un salarié nouvellement embauché perçoit un salaire brut mensuel de 2.500 € (30.000 € annuel). Ne donnant pas satisfaction, sa période d’essai est rompue au bout de 2 mois. Pour évaluer son coût de recrutement et d’intégration (entre 15 et 25%) on retiendra un taux moyen de 20% soit 6.000 € (30.000 x 20%).
Pendant sa période d’essai, le salarié touchera un salaire brut de 5.000 € (soit 2.500 € x 2). En prenant en compte les charges patronales, les autres charges sociales et fiscales (taxe d’apprentissage, comité d’entreprise, participation etc.), les coûts d’infrastructure (nouveau bureau…), ce coût peut être multiplié au minimum par 1,8 ce qui donne 9.000 €.
Pour tenir compte de la perte d’exploitation liée à la valeur ajoutée non perçue, on peut à nouveau multiplier ce chiffre par 1,5 (et encore, en faisant abstraction des frais administratifs de rupture du contrat : entretien, solde de tout compte etc.) soit 13.500 €.
Avec cette évaluation sommaire, on peut estimer le coût de ce mauvais recrutement à 13.500 €, auquel il faudrait additionner le nouveau coût de recrutement et d’intégration de son remplaçant pour avoir une idée du coût du processus global de recrutement « définitif et satisfaisant » pour ce poste. Il est évidemment nécessaire que ce chiffre soit « affiné » par les calculs d’un contrôleur de gestion, notamment pour l’évaluation du manque à gagner lié la valeur ajoutée non perçue.
Imaginons que cette année, l’entreprise étudiée est embauchée en tout 100 salariés en CDI, au même salaire. Si on en croit les statistiques, environ 13% de ces recrutements se solderont par un échec et par une rupture de la période d’essai (12,7% selon les dernières statistiques). Sur ces 100 salariés, 13 seraient ainsi susceptibles d’être d’en cette situation.
Le coût annuel lié à des mauvais recrutements s’élèverait ainsi à 13.500×13 = 175.500€.
Ces chiffres montrent clairement l’impact du processus de recrutement sur les résultats de l’entreprise. Une amélioration du processus de recrutement, certes, souvent plus longue et coûteuse peut à moyen – long terme faire économiser des coûts importants liés à des mauvais recrutements.
Pour aller plus loin, il faudrait également évaluer les coûts d’opportunité de recrutements non réalisés…
Le coût du mal-être au travail
Jacob Morgan, auteur de “The Employee Experience Advantage”, a mené des recherches sur le rendement des organisations dites « expérientielles » qui affichent de bons résultats en termes de culture, de technologie et d’environnement physique. En comparaison avec des entreprises « non-expérientielles », les organisations expérientielles présentent les caractéristiques suivantes :
Des bénéfices moyens 4x plus élevés ;
Un chiffre d’affaires moyen 2x plus élevé ;
Un turnover 40% plus faible ;
Des valeurs boursières qui surperforment chez les S&P 500 et le Nasdaq.
Laurence Vanhée (Chief Happiness Officer chez Happyperformance) soulève également l’idée que des collaborateurs malheureux ont un impact négatif sur la productivité et l’efficacité de l’entreprise. Selon elle : « Un collaborateur épanoui tombe deux fois moins souvent malade”.
La démonstration de l’intérêt d’améliorer la qualité de vie au travail peut également se faire en mesurant les coûts du stress. Une étude de l‘INRS (Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles) et de l’école des Arts et Métiers Paris Tech les évaluait de 0,1% à 0,15% du PIB en France en 2013, en incluant le coût des soins, l’absentéisme, la cessation prématurée d’activité et le décès prématuré.
Dans les entreprises, selon une autre étude, un euro investi en prévention des risques psychosociaux se traduirait par un à treize euros d’économies de coûts.
En Europe, le chiffre le plus récent parmi les données synthétisées par l’EU-Osha (agence européenne pour la sécurité et la santé au travail) date de 2013 : il estime le coût des dépressions dues au travail à 617 milliards d’euros par an, incluant le présentéisme et l’absentéisme, la perte de productivité, les frais de santé, les allocations pour inaptitudes.
Ces résultats illustrent la nécessité d’agir : la facture du stress au travail est exorbitante au regard des bénéfices que peuvent apporter les politiques de prévention. Et là aussi le digital peut apporter des réponses ; on peut citer par exemple ces applications (source @Les échos exécutive : https://bit.ly/2I8ECWS) :
Bloom at work – Cette application donne aux managers ou RH la possibilité de visualiser en temps réel les réponses anonymisées aux quiz soumis aux équipes toutes les deux semaines. Elle recommande des actions à mettre en place afin d’oeuvrer en faveur d’une dynamique positive.
Bloomin – Mesurer pour agirEn assurant l’anonymat des données collectées, l’application aide les managers et DRH à mesurer l’expérience et l’engagement de leurs employés en instaurant une culture du « feed-back » afin d’améliorer les relations internes. Elle met en place des enquêtes à partir de différents canaux (SMS, Slack, application mobile…).
Supermood – Renforcer l’engagementA l’aide de sondages réguliers et anonymes, la plate-forme donne directement la parole aux salariés. Un rapport d’analyse est ensuite mis à disposition de la direction et du service RH, complété par des conseils personnalisés dans l’optique d’améliorer l’engagement des salariés. Decathlon, Engie et la SNCF ont adopté cette offre.
ZestMeUp – L’écoute et l’échange Allier collaboration et performance est l’objectif de cette plate-forme. Cet outil informatique permet aux collaborateurs de renseigner quotidiennement leur humeur, de réaliser des sondages et de partager des idées, etc. La parole ainsi libérée permet d’identifier leurs attentes afin de replacer l’humain au coeur de l’organisation.
Le coût du désengagement
Pour éviter les confusions, voici les différentes classifications d’engagement définies par Gallup qui édite une étude mondiale référence sur l’engagement au travail depuis plusieurs années :
Collaborateur engagé : les employés sont très motivés et enthousiastes à propos de leur travail et de leur environnement de travail. Ils soutiennent la performance et l’innovation et font avancer l’organisation.
Collaborateur non engagé : les employés sont psychologiquement détachés de leur travail et de leur entreprise dans la mesure où leurs attentes ont besoin d’être entièrement satisfaites.
Collaborateur activement désengagé : les employés ne sont tout simplement pas heureux au travail. Ils ressentent que leurs besoins ne sont pas satisfaits et agissent par dépit au travail. Chaque jour, ils peuvent potentiellement saper ce que leurs collègues engagés accomplissent.
Gallup a estimé le coût du désengagement en France à 97 milliards d’euros pour l’année 2018 ; les salariés français feraient d’ailleurs office de mauvais élèves puisque l’étude indique que seulement 6% d’entre eux sont engagés et 25% activement désengagés, soit un salarié sur quatre !
Selon l’IBET 2018, un salarié désengagé coûte 13 340 euros par an. Si l’on prend la même base de 100 salariés, cela coûterait donc à l’entreprise :
100 salariés x 25 % = 25 salariés désengagés x 13 240 euros = 331 000 euros
Selon Laragh Marchand de Gallup, « Le risque de contagion et de démotivation à plus grande échelle devient réel lorsque sur 100 salariés, seulement 6 s’impliquent et 25 autres se désinvestissent activement ». Autant dire qu’il devient urgent pour la productivité et la rentabilité économique de l’entreprise de contrôler ce phénomène voire d’inverser la tendance !
NB : si vous avez envie de simuler le coût du désengagement de vos salariés, basé sur l’étude Gallup, rendez-vous ici : https://humanslink.com/calcul-desengagement/
Car le désengagement est souvent la conséquence d’un mal être au travail, vecteur notamment de l’absentéisme qui, d’après les calculs de l’Institut Sapiens, un think tank libéral, coûte 108 milliards d’euros par an. Ce coût prend en compte les salaires versés aux absents, le temps passé par les autres salariés à compenser les dysfonctionnements induits et l’achat de « services externes non prévus ». Cela représente un coût moyen de 4 059 € par an et par salarié (3.521 euros dans le privé et 6.223 euros dans la fonction publique).
Quand on note, toujours d’après cette étude, que 99 % des absences évitables s’expliquent pas des conditions de travail dégradées, une organisation du travail défaillante et surtout par des défauts de management, on comprend tout le rôle de la DRH dans l’amélioration de ces conditions de travail. Les technologies digitales ont leur rôle à jouer dans l’amélioration de ces conditions de travail.
Le coût de la gestion administrative
La dernière édition du baromètre ADP 2018 livre un panorama détaillé du coût total de la fonction paie et administration du personnel :
Un coût de gestion du salarié de 448€ par an, en hausse de 17 % depuis 2010
Une productivité de 213 salariés par gestionnaire RH
Le SIRH représente près de 25% du coût total
Les entreprises qui investissent dans leur SIRH ont une productivité de 38% supérieure aux autres
Les démarches de simplification administrative et la transformation digitale des entreprises ont, certes, d’abord généré des coûts d’investissement et de mise en œuvre, mais en moyenne, la part du SI représente 24,8 % du TCO (Total Cost of Ownership) (24,8 %), soit 111 euros pour 337 euros de coûts métier.
Parmi les pistes à suivre pour améliorer la performance de la fonction RH, l’éditeur suggère, entre autres, de s’attaquer aux coûts cachés de la gestion administrative, qui sont la plupart du temps plus importants que les coûts visibles (Une étude de PwC les évaluait, en 2012, à 63 % du total !). ADP estime, qu’en grande partie, ces coûts cachés sont à chercher dans la « collecte de données, souvent encore manuelle avec des signatures obligatoires », ou bien encore dans les importations de données semi-automatiques, en amont des calculs de paie.
En exploitant mieux la data, en automatisant certains processus et certaines tâches de gestion administrative répétitives, les RH pourront se dégager du temps et se concentrer de nouveau sur des missions à plus forte valeur ajoutée :
l’évolution des talents
la Qualité de vie au travail
Le coût de la mauvaise exploitation de la data
Les data RH sont encore bien souvent dispersées dans les services, collectées de façon manuelle ou semi-automatiques, parfois plusieurs fois dans des systèmes différents et de ce fait totalement sous-exploitées. Le Rapport Mondial Databerg de Veritas de 2016 révèle que 85 % des données stockées sont soit Obscures, soit redondantes, obsolètes ou inutiles.
Et le coût de la donnée non structurée et non exploitée peut être important, d’une part par les pertes de temps et de productivité que cela engendre et d’autre part, par le manque de justesse voire les erreurs de décision que le manque ou la non pertinence des data a pu provoquer et qui peut bien sûr coûter cher à l’entreprise.
Les technologies digitales, si elles sont venues disrupter certains business model, créer de nouveaux métiers et rendre caduques certains, sont également des solutions potentielles à la réduction des coûts cachés. Ceux des activités RH, d’une part, mais également ceux des autres métiers de l’entreprise qu’elles viennent soutenir dans leurs process et leurs organisations : les cabinets d’études Gartner et Ventana ont estimé en 2011 que les non atteintes des objectifs commerciaux seraient dus à 40 % à des mauvaises données. De quoi alimenter quelques tensions entre services internes !
Le coût de la mauvaise collaboration
Selon une étude McKinsey, les entreprises ayant recours aux outils collaboratifs accroissent leur productivité de 20 à 25%.
En diminuant le nombre d’e-mails, en instaurant à la fois une transparence et de la traçabilité dans les échanges, et en favorisant le partage de connaissances, les plateformes collaboratives sont de formidables leviers d’intelligence collective et de performance.
Depuis l’apparition du Cloud, il est désormais possible de travailler en mode collaboratif de partout dans le monde, quels que soit son lieu de travail et son mode de connexion, en mode synchrone ou asynchrone, et dans des dizaines de langues avec l’intégration de l’intelligence artificielle dans les usages de traduction automatique.
Sans compter les économies faites à travers tous les déplacements physiques évités !
Le coût des réunions inutiles ou mal préparées
Selon une enquête réalisée par OpinionWay en avril 2017 dans des secteurs économiques variés, les répondants passent en moyenne 4,5 heures par semaine en réunion, soit 3,4 semaines par an, et plus du double (6,2 semaines) pour les cadres ! Mais à peine plus de la moitié (52%) de ces réunions sont considérées comme productives. 18% des salariés déplorent qu’il n’y ait « pas d’ordre du jour » ou « d’objectif clairement défini » et 26% ne voient pas la nécessité de leur présence à ces réunions. Pourtant, 75% des mêmes répondants déclarent ne pas avoir la possibilité de décliner l’invitation et de ne pas y participer.
Pour dynamiser et réduire les temps de réunion, automatiser la création des compte-rendu, il existe des applications mobiles comme Beekast ou Klaxoon ; Beekast, par exemple, annonce :
Des réunions jusqu’à 50% plus courtes.
Des collaborateurs plus engagés : 10x plus d’idées et de contributions générées en moyenne.
Un suivi optimisé : 100% des réunions avec un compte rendu.
Il s’agit là de statistiques commerciales fournies par l’éditeur de la solution, il convient donc de les challenger avec une réalité terrain mais, avouons-le, nous sommes tous victimes de la “réunionite” et il serait réellement utile de mesurer, d’optimiser et donc de valoriser les coûts cachés de cette maladie a priori très française !
Le digital au service de l’optimisation des coûts cachés
On le voit à travers ces quelques exemples, les coûts cachés qui n’apparaissent pas toujours dans la comptabilité des entreprises impactent fortement la rentabilité de l’entreprise et nuisent, par l’absence de mesures de performance efficaces, à une prise de décision éclairée, y compris en termes d’affectation de choix budgétaires.
De nombreuses solutions ou applications digitales permettent désormais aux équipes RH de collecter, exploiter et mesurer les data sur l’ensemble de la chaîne de valeurs et tout au long du parcours d’un candidat/collaborateur. Le DRH n’a plus d’autre choix que de mettre en oeuvre les moyens, qu’ils soient technologiques, organisationnels ou culturels, pour faire de la data un levier de performance.
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