Le sujet de la décentralisation s’observe sur différents champs de réflexion du monde de l’entreprise. Je vous propose d’en aborder certains dans cet article, en lien direct avec les 3 domaines d’expertise de Become consulting : les dimensions technologique, managériale et organisationnelle.
Vers une décentralisation technologique
Au départ d’Internet, un modèle décentralisé, à « l’arrivée » une extrême centralisation
Si Internet était au départ une technologie permettant la décentralisation (son protocole rendait interopérables des systèmes différents sans ordinateur central), force est de constater qu’aujourd’hui, les grands acteurs numériques qui dominent aujourd’hui le Web, à savoir les GAFAM (Google-Apple-Facebook-Amazon-Microsoft) , centralisent chacun une forte concentration de pouvoirs et de valeurs : centralisation des données et capacité à les utiliser et à les monétiser dans un contexte éthique et sécuritaire régulièrement mis en doute, pouvoir de faire la pluie et le beau temps sur les fonctionnalités, les usages et leur renouvellement, etc. , emprisonnant les clients et les partenaires dans un système dont il est difficile de s’échapper.
C’est bien simple, les chiffres concernant les géants du Web en 2020 donnent le tournis en matière de concentration de valeurs et donc de pouvoir sur les marchés :
- Selon l’Institut Warc, Google et Facebook ont capté 56 % de la publicité numérique mondiale en 2019, un chiffre qui pourrait grimper à 61 % en 2020.
- Les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi), les équivalents chinois des GAFAM, pèsent ensemble environ 1.450 milliards d’euros soit autant que 80 % du CAC40 (1)
- Les GAFAM ont vu leur capitalisation boursière augmenter à 2 ou 3 chiffres entre 2010 et 2019 en pourcentage.

Malgré tout, cette hégémonie des grands acteurs numériques est de plus en plus mise à mal par les états, les citoyens, à travers les scandales liés aux usages des données privées, les lois antitrust, les mouvements de souveraineté numérique que la crise du COVID19 a amplifié.
Entre la taxe « GAFA » et l’interdiction publiée par décret par Donald Trump d’utiliser les applications chinoises telles que Wechat ou Tik Tok, les tentatives pour freiner la montée en puissance de ces acteurs démontrent bien les craintes et les dérives générées par ce type de concentration de pouvoirs.
Internet, cette technologie qui a bouleversé nos vies, a donc créé une forme d’hyper-centralisation, alimentant jeux de pouvoirs, défiance et sentiments d’insécurité, que ses créateurs n’avaient certainement pas imaginé au départ.
S’appuyant sur les opportunités du numérique, de nouvelles technologies sont venues contrebalancer cette tendance, ouvrant non seulement la porte de nouvelles formes de décentralisation des informations, des responsabilités, des décisions, des transactions, des contrôles, mais également de nouvelles perspectives de business.
La blockchain est l’une des technologies les plus associées aux notions de décentralisation et de désintermédiation. On parle d’ailleurs aussi de « technologie de registres distribués ».
La blockchain, une architecture décentralisée
Blockchain Partner définit la blockchain (chaîne de blocs) comme “Une technologie de stockage et de transmission d’informations à coût minime, sécurisée, transparente, et fonctionnant sans organe central de contrôle. Par extension, elle désigne une base de données sécurisée et décentralisée, répliquée sur un très grand nombre de noeuds, et contenant un ensemble de transactions dont chacun peut vérifier la validité ».

Parce qu’elle n’est pas toujours facile à appréhender, je vous propose cette vidéo pour comprendre la blockchain et se projeter sur des usages concrets :
Dans un monde VICA où les cartes peuvent être rabattues régulièrement, certains acteurs, historiquement concurrents peuvent être amenés à s’associer, à collaborer pour rester compétitif, voire même survivre. Faire confiance à ses « anciens concurrents » peut être un véritable frein à ces collaborations, aussi louables soient les motivations.
Avec la blockchain, chaque acteur de la chaîne, de par la transparence et la sécurité du système, semble assuré d’une part de ne pas être lésé par les autres et même, de pouvoir être récompensé/rémunéré à la hauteur de sa contribution, de son investissement.
Un bon moyen d’accélérer sur ce que l’on nomme la coopétition et par conséquence, de stimuler l’innovation ? En tout cas, la blockchain pourrait être bien en être le chaînon manquant.
Cette technologie repose finalement sur ses utilisateurs, sur sa communauté et s’appuie sur 4 piliers principaux :
- La transparence
- L’autonomie
- La désintermédiation
- La sécurité
Certains de ces piliers vous rappellent quelque chose ? Oui ! Les valeurs portées par les nouveaux modèles de gouvernance et de management plébiscités dans la transition des organisations vers un modèle plus agile, plus humain, plus résilient, qu nous aborderons plus loin dans cet article.
L’innovation technologique change-t-elle de mains ?
C’est bien possible ! Selon 66 % des responsables informatiques interrogés lors de l’enquête réalisée par Vandson Bourne pour VMware fin 2016, les lignes de métier prennent de plus en plus le leadership sur l’innovation technologique en entreprise, ce qui permettrait aux organisations françaises de :
- Lancer plus rapidement de nouveaux produits et services (58 %),
- Favoriser l’innovation (63 %)
- Les aider à s’adapter plus efficacement aux conditions du marché (57 %).
Cette passation de pouvoirs aurait en outre des effets positifs sur la satisfaction du personnel (56 %) et la capacité des entreprises à attirer des talents plus qualifiés (56 %).

Vers une décentralisation de l’information et de la connaissance ?
Avec l’avènement d’Internet et des réseaux sociaux, l’information et la connaissance sont disponibles partout et tout le temps et partageables a envi par tout un chacun.
La décentralisation de l’information s’est accélérée, y compris dans les entreprises, retirant de fait à grand nombre d’experts et de managers ce qui leur conférait une certaine forme de pouvoir : la primeur de l’information et le droit de la diffuser (ou pas), quand et à qui ils le souhaitaient.
Aujourd’hui, un collaborateur a donc accès à une quantité potentielle d’informations et de connaissances illimitées, peut échanger avec des experts auxquels il n’aurait certainement pas eu accès sans le numérique, accéder à des formations gratuites (ou pas) sans avoir à demander ou rentrer dans le cadre du plan de formation de son employeur, proposer des idées à son entreprise sans forcément passer par son manager et échanger de pair à pair avec des collègues à l’autre bout du monde grâce à un réseau social interne.
Malgré tout, si l’information est disponible et pléthorique, l’infobésité qu’elle provoque nous amène à réclamer une certaine « recentralisation » de l’information utile. Et pour cela, l’intelligence artificielle et la data visualisation sont des soutiens précieux.
En permettant à chacun d’accéder et partager l’information à son niveau, en rendant accessible la connaissance pour tous, en permettant aux collaborateurs de remonter des idées et de les faire circuler, la décentralisation de l’information alimente la capacité d’innovation des entreprises.
Vers une décentralisation organisationnelle et managériale
Les anciens modèles organisationnels, dits « pyramidaux », ont vécu et ne sont plus adaptés au monde complexe dans lequel nous évoluons désormais, fait de changements permanents et d’incertitude grandissante : considérés comme trop bureaucratiques, ils détruisent de la valeur plus qu’ils n’en créent, en sapant les initiatives et en étouffant la créativité.
Or, obligées de réagir quasiment en temps réel à des événements qu’elles n’avaient pas vu venir, que ce soit l’apparition d’un nouveau concurrent, une nouvelle réglementation restrictive, une fuite des talents stratégique, une technologie disruptive ou une crise sanitaire comme la COVID-19, les organisations s’interrogent de plus en plus sur leur modes de gouvernance dans l’objectif de rendre leurs équipes plus agiles, leur marque employeur plus attractive et leur business plus résilient.
Ajouté à ça les nouvelles attentes des collaborateurs en termes de leadership (« communicate & collaborate » plutôt que « command & control ») et d’organisations du temps de travail, les nouvelles formes de gouvernance basées la confiance, la transversalité (voire l’horizontalité), la transparence, l’autonomie, l’agilité et la collaboration, trouvent un écho particulier ces derniers mois.
Quelques exemples de signes de « décentralisation organisationnelle » :
- L’entreprise étendue qui fait référence à une organisation qui s’ouvre à des talents et partenaires extérieurs plutôt qu’un modèle basé essentiellement sur des compétences internes. Le freelancing qui semble s’accentuer ces dernières années, porté par de nouvelles attentes générationnelles, accentue ce phénomène.
- Le télétravail, dont le développement s’est accéléré avec la crise sanitaire de la COVID19 alimente également une forme de décentralisation
- Les modèles organisationnels en cercle comme l’holacratie qui redistribue les responsabilités et s’appuie sur l’auto-gouvernance, représente une méthode de gestion décentralisée
Par là, nous entendons une décentralisation des responsabilités, la reprise en main par chaque collaborateur de son propre leadership en lieu et place d’une centralisation des décisions dans les seules mains d’un manager.
L’auto-gouvernance, et plus généralement la décentralisation des décisions, permettraient donc de redonner de l’autonomie aux équipes et aux managers de terrain, s’appuyant sur le principe de subsidiarité qui considère que « ceux qui font, savent, et sont en mesure de trouver les solutions adaptées, avec toute la créativité dont ils sont capables ».
« Dans une entreprise autogouvernée, l’initiative du changement est du ressort de toute personne qui en ressent la nécessité. C’est ainsi que la nature fonctionne depuis des millions d’années. L’innovation ne se produit pas au centre, selon un plan, mais sur les marges, quand un organisme capte un changement dans l’environnement et prend des initiatives pour s’adapter de façon appropriée. » Frédéric Laloux – Réinventing organizations
Désormais, soutenues par les technologies digitales, une entreprise peut donc créer de la valeur avec des équipes dispersées sur toute la planète, collaborateurs internes comme partenaires externes, avec de nouveaux enjeux liés à la complexité potentielle du nouveau système « décentralisé » : la gestion des compétences et l’expérience de son « capital humain » :

Nous l’avons évoqué, les organisations bureaucratiques ont une nette tendance à rester concentrées sur elles-mêmes, cultivant le secret, la verticalité, et ne s’ouvrant à des collaborations externes que sous le poids de process paralysants.
Réinventer les organisations pour favoriser la créativité, la collaboration, le partage de connaissances, l’open innovation, devient donc un enjeu stratégique pour les entreprises de nouvelle génération, désireuses de s’inventer de nouveaux modèles économiques (NME) en libérant les initiatives et en s’ouvrant à de nouvelles collaborations.
Mais alors, vers quels modèles se tourner ?
Eternel débat, éternelle réponse : pas de baguette magique ! La tendance, comme souvent, s’oriente vers un Mix entre centralisation et décentralisation, prenant les avantages des uns et des autres et créant un équilibre de fonctionnement adapté aux réalités de l’entreprise.
L’un des facteurs de succès sera de conserver une vision systémique de l’éco-système et de s’assurer que l’ensemble communique et fonctionne sans couture, en particulier lors d’un passage à l’échelle.
Bien sûr, on peut mener des expérimentations de blockchain ou d’holacratie, mais au fur et à mesure que les usages associés se démocratisent et se répandent dans l’entreprise, il est nécessaire de vérifier l’alignement des process, de la culture, des data et des compétences attendues, sous peine de générer de nouvelles contraintes, voire de réelles tensions entre des systèmes qui ne se comprennent pas.
L’important est de trouver sa propre potion magique, celle qui combinera agilité, flexibilité et économie d’échelle et permettra à l’entreprise d’innover pour faire la différence.
La décentralisation semble en tout cas porter les valeurs de l' »entreprise de demain » : transparence, confiance, autonomie, responsabilisation, collaboration.
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