L’holacratie ou quand la transparence met en lumière les (in)compétences

L’entreprise de nouvelle génération, celle qui tirera son épingle du jeu est celle qui, centrée sur sa raison d’être, saura mettre l’innovation au coeur de sa réalité quotidienne : l’innovation technologique, bien-sûr, mais aussi l’innovation managériale et organisationnelle.

J’ai découvert l’holacratie (holacracy en anglais) il y a déjà quelques mois en échangeant avec Philippe Pinault, fondateur et dirigeant de holaspirit, l’une des rares plateformes collaboratives fondée sur le modèle holacratique.

Ce nouveau modèle organisationnel m’a rapidement séduit par ses valeurs et la transparence qu’il induit entre les parties prenantes et, lors de ma formation de praticienne en holacracy avec l’Institut Igi , l’un des éléments qui m’a réellement sauté aux yeux est la transparence qui est mise sur les compétences mais aussi, logiquement , sur les incompétences.

Qu’est ce que l’holacratie ?

L’holacratie est un mode d’organisation, de gouvernance et de management qui s’éloigne du modèle historique, à savoir le modèle pyramidale, dont je considère comme beaucoup, qu’il touche les limites de son efficacité dans le monde VUCA qui est désormais le nôtre.

Basé sur les principes de subsidiarité et d’auto-gouvernance, le modèle holacratique préconise l’association des parties prenantes à la prise de décision et une résolution des problèmes au coeur de l’action par les collaborateurs directement concernés.

En favorisant la responsabilisation et l’autonomie des collaborateurs, ce mode de gouvernance met la confiance et la transparence au coeur de son fonctionnement : chacun des acteurs, dans le cadre d’une raison d’être et d’une constitution acceptés par tous, connait son(ses) rôle(s) et l’ensemble des redevabilités associées. On évite ainsi un des facteurs destructeurs dans l’entreprise : les éléments implicites qui créent des incompréhensions, des tensions et provoquent donc perte de temps et d’énergie à chercher qui fait quoi, pou qui et pourquoi.

Et encore, quand on trouve…. car l’un des travers de l’implicite c’est qu’il permet aussi, à qui veut, d’échapper à ses responsabilités.

Si cette transparence apportée par l’holacratie fait monter le niveau d’exigence des services attendus en interne et permet aux collaborateurs les plus agiles et les plus en demande d’apprentissage de diversifier leurs rôles en s’appuyant sur leurs compétences, elle met également en pression les managers et les collaborateurs qui, jusqu’ici, pouvaient encore se réfugier derrière le flou organisationnel pour ne pas réaliser certaines tâches voire même se déresponsabiliser totalement de certaines décisions.

A qui (ne) bénéficie (pas) la transparence ?

Le problème de la transparence pour les entreprises, les managers et les collaborateurs est que si vous faites partie de celles et ceux qui n’aiment pas le changement ou qui n’êtes pas au rendez-vous de leurs responsabilités opérationnelles, ce type de modèle organisationnel peut représenter soit un véritable levier pour vous remettre en question et en mouvement, soit un véritable danger qui vous poussera inexorablement vers la sortie.

J’ai encore en tête l’exemple de Zappos, l’une des premières grandes entreprises à avoir basculé sous la forme holacratique en 2015. et dont on me disait, pour mettre en avant les mauvais côté du modèle de management horizontal, que 14 % des collaborateurs avaient quitté l’entreprise, ne supportant pas cette nouvelle gouvernance.

La question qui me vient est la suivante : celles et ceux qui sont partis étaient ils créateurs de valeurs pour l’entreprise dans l’ancien système, et sont-elles les compétences recherchées pour l’entreprise de nouvelle génération ?

Pour moi, la réponse est non, et met en évidence le fait que la gestion et le développement des compétences, et notamment des softskills sont déterminants dans la réussite de la transformation des entreprises. Il ne s’agit pas de garder uniquement les collaborateurs qui seraient déjà en mesure de s’adapter à ces transformations mais bien d’aider la majorité des équipes à s’adapter, culturellement, en leur montrant ce qu’elles ont à gagner à court, moyen et long terme en adoptant ce nouveau type de fonctionnement ou même, cela marche mieux parfois, ce qu’elles risquent de perdre si elles ne le font pas.

Si j’imagine que nombre des collaborateurs de Zappos n’ont pas réussi à s’adapter à un modèle qui n’était effectivement pas leur mode de pensée ou de fonctionnement habituel, cet exemple montre qu’il est majeur d’expliquer et d’accompagner ce type de transition organisationnelle et managériale au plus près des managers et les collaborateurs pour éviter deux effets destructeurs de valeurs pour l’entreprise :

  1. Un sabotage de l’intérieur de la part des acteurs pour qui le nouveau modèle représente un risque personnel (tous niveaux de responsabilité confondus)
  2. Une fuite des talents qui, eux, seraient en capacité d’évoluer en fonction des contraintes apportés par le monde VUCA et ne supporteraient plus le modèle vertical traditionnel.

Le courage de basculer

S’il s’agit bien au départ d »une prise de conscience d’un(e) dirigeant(e) qui doit être convaincu(e) que la transition vers une organisation plus transparente, apprenante, agile est la clé du succès de son entreprise pour demain, il s’agit aussi de courage(S) : Celui de donner l’exemple, celui de lâcher prise en abandonnant une certaine forme de pouvoir pour acquérir ou renforcer sa légitimé de leader en faisant confiance à ses collaborateurs.

Et vous, seriez-vous prêt à tester l’holacratie ?

Et si on passait du management des 3 % à celui des 97 % ?

Sans forcément lui donner un nom, vous rencontrez certainement ce type de situation dans votre quotidien, que ce soit dans votre vie personnelle ou professionnelle. Vous savez, ces contraintes qui complexifient et rendent beaucoup moins agréable votre expérience client et collaborateur.

Quel.le client.e n’a été agacé.e par les antivols sur les produits en hypermarché qui l’ empêchent d’essayer une paire de chaussures, de lire le résumé d’un film en DVD lui-même enfermé dans un boitier hermétique, ou encore de ressentir une gêne voire une certaine honte à s’entendre sonner à la sortie d’un magasin parce qu’un antivol était resté caché dans la doublure d’un vêtement ?

Le management des 3 %

On tient le terme de « management des 3% » de Gordon Forward, ancien Directeur de Chaparal Steel. Il se caractérise donc par la mise en place de contraintes à tout le monde alors même que le problème à résoudre n’est le fait que d’un tout petit nombre d’individus, clients comme collaborateurs.

Le milieu professionnel n’échappe pas à cette règle, bien au contraire ! Les exemples sont pléthores :

  • L’obligation de voyager au moins cher, avec parfois des escales interminables sur des longs trajets, sous prétexte qu’un manager indélicat  abuse des billets Business,
  • L’obligation de passer par une société de location de voitures et donc de s’ajouter des contraintes parce qu’un collaborateur a, un jour, fait « Paris-Toulouse » avec sa voiture personnelle pour faire monter sa note de frais,
  • La limitation voire l’interdiction d’utiliser les SMS avec un téléphone professionnel, par le simple fait qu’un collaborateur s’est égaré à jouer un samedi soir à choisir par SMS la gagnante du concours Miss France
  • Les freins mis sur de nouvelles initiatives innovantes comme par exemple le fait de laisser du temps aux collaborateurs sur leur temps de travail pour faire des activités qui sortent de leur quotidien opérationnel par peur que certains choisissent de faire des choix qui seraient inutiles à l’entreprise

Et la confiance dans tout ça ?

L’entreprise de nouvelle génération, celle qui permet d’évoluer dans un monde complexe et en perpétuel changement, place la confiance et la transparence au centre de sa chaîne de valeurs RH, invitant les managers et les collaborateurs à réinventer leurs modes de fonctionnement, leurs modèles mentaux, leurs relations au quotidien.

Le design organisationnel s’articule désormais autour de ces valeurs, invitant avec lui de nouvelles formes de management encourageant l’empowerment, alors que les générations précédentes s’évertuaient à fonctionner sur les bases d’un management « command & control » qui ne trouve plus sens aujourd’hui, voire même détruit de la valeur.

Et si on inversait le système ?

Inverser le système et construire un cadre de référence qui permette à la majorité des collaborateurs de vivre une expérience de travail simplifiée, valorisante et épanouissante conduirait à mon sens à plus de responsabilisation individuelle et collective :

  • celle de certains managers qui pouvaient à tout moment, avec les règle des 3 %, se décharger de leur propre responsabilité en considérant que les collaborateurs n’avaient tout simplement pas respecté des règles dont ils auraient du avoir connaissance puisqu’elles existent quelque part sur l’Intranet
  • celle des collaborateurs qui tendraient à avoir un mauvais comportement et pour qui la transparence du système pourrait avoir un effet dissuasif

La responsabilisation de chacun et donc la confiance donnée par l’entreprise à chacun des collaborateurs est un puissant levier de performance pour l’entreprise. Un levier d’engagement d’une part mais également un levier économique car l’ensemble des règles et contraintes mis en place par les organisations pour palier aux 3 % de perturbateurs est porteur de coûts certainement astronomiques : le coût des procédures et outils à mettre en place pour encadrer les pratiques et le coût de temps perdu à vivre ces contraintes au quotidien.

Sans compter que les managers pourraient désormais se (re)concentrer sur les échanges directs avec les 3% des collaborateurs qui n’auraient pas, soit compris les règles, soit qu’il faudrait accompagner vers un changement utile d’attitude.